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Dans cette section, vous pourrez retrouver régulièrement mes avis sur de récentes sorties, principalement culturelles, ainsi que des articles plus denses sur différents sujets. Au gré de mes envies et de mon temps libre, un journal de bord pour faire exister mon regard critique de comédien.

 

Concept de notation : chaque chronique est accompagnée d'une "note" non chiffrée, dont voici le barème.

Du négatif vers le positif : Déçu - Contrarié - Indécis - Satisfait - Ravi - Passionné - Extatique

 

( Bien que tentant de rester dans l'objectivité, ces chroniques sont purement personnelles et reposent  sur des sensibilités et un vécu qui influencent ces notes. )

 

Retour d'expérience : Raconter à l'Opéra ?

 

Carmen, de  Georges Bizet

De, par et avec la Compagnie Cala

A l'Amphithéâtre 3000, du 3 au 9 avril 2017

 

Depuis bientôt un an, j'ai la chance de travailler régulièrement avec la Compagnie Cala en tant que figurant sur la plupart de leurs productions (opéras, opérettes, etc...). Bien sûr, j'aurais des tas de choses à raconter sur chaque moment passé là-bas, sur la découverte que j'ai pu faire de l'art lyrique, du chant, de la danse, d'une mise en scène très différente du théâtre, mais j'ai décidé de me pencher sur la manière dont on raconte l'histoire.

 

En effet, que ce soit au théâtre ou dans l'audiovisuel, milieux que je commence à fréquenter au quotidien, quelque chose reste important dans la manière dont on raconte l'histoire : ne pas "spoiler", surtout au cinéma. Nous sommes dans une ère de consommation de culture où la fin des œuvres, le déroulé de l'histoire qui s'offre sous nos yeux a toujours eu une place première. Aussi, j'avais envie de m'intéresser à la manière dont l'Opéra aborde ses histoires...

 

Pour commencer, la plupart d'entre elles sont des classiques. Il est rare que la plupart du public vienne voir une production sans s'être renseigné dessus, en avoir vu des versions antérieures...il semblerait que ce soit un art de connaisseur, bien plus qu'un art de la découverte, tout du moins dans sa narration. De même, avant le début du spectacle, les livrets permettent de renseigner les spectateurs sur l'intégralité de ce qui va avoir lieu, acte par acte, et parfois scène par scène.

Alors, qu'est-ce qui compte à l'Opéra ? Eh bien pour moi, cela reste un art de la découverte ; contrairement à ce qu'on peut en penser aujourd'hui, les productions ne s'adressent pas à une élite. Bien sûr, un spécialiste de Verdi pourra déceler dans cette mise en scène de Nabucco des intentions particulières, quelque chose de personnel qu'il ne retrouvera pas lors d'une autre production...mais n'est-ce pas la même chose avec le cinéma, lorsqu'on connaît beaucoup l’œuvre d'un réalisateur ? Pour moi, c'est le faisceau à travers lequel je voyais l'Opéra qui était biaisé. L'histoire a un rôle à jouer, mais ça n'est pas là que se situe...l'art de l'Opéra, à mon sens.

 

Il s'agit ici d'un mélange subtil de plusieurs arts ; et donc de tableaux qui font appel à tous nos sens, qui nous abreuvent continuellement. Pour moi, voir un Opéra, c'est forcément rater une autre partie de l'Opéra, au même moment, avec les mêmes personnes. Il y a la musique ; il y a la mise en scène ; il y a le chant ; il y a les chorégraphies ; il y a la lumière ; il y a les costumes...tant de moyens de communiquer une histoire, des impressions, des émotions, qui s'éloignent de la narration tout en y participant grandement.

 

Pour faire une comparaison grossière, j'envisage l'Opéra comme une toile impressionniste très colorée, pleine de petites touches ; et il est possible de s'intéresser à chacune pendant tout le temps du spectacle !

Ainsi, voilà ce que m'ont inspiré mes divers travaux à l'Opéra. J'avais en tête ce cliché d'un art figé, enfermé dans le classicisme, là où j'ai découvert un tourbillonnement d'idées et de créativité qui s'enchevêtrent pour nous raconter une histoire.

​BILAN ARTISTIQUE 2016

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UNE CULTURE A DEUX VITESSES ?

 

Première chronique de l'année, et comme tout le monde, j'avais envie de me plier à l'exercice du bilan. Pas de best-of de ce que j'ai pu voir ou faire, mais plus simplement un point de vue sur ce que j'ai pu voir et faire cette année. En effet, plus que jamais j'ai l'impression que la culture se polarise en deux manières de la faire et de la vivre...

 

D'abord, dans ce que j'ai pu voir, expérimenter en tant que spectateur. Je suis avant tout consommateur de longs-métrages, je vais très régulièrement au cinéma. J'ai l'impression que l'on s'oriente de plus en plus vers un "nouvel âge d'or" des grands studios, à la manière de ce qui pouvait être fait dans les années 50/60. Ainsi, on cumule les grosses sorties, les sagas, les univers étendus et les "blockbusters". A l'inverse, je ressens une sorte de culture du "peu de moyens" et de la sobriété, comme une réponse à la manière dont les studios recommencent à s'articuler. Je ne parle pas de vocation "indépendante" ou "auteuriste" mais vraiment d'une économie de moyens pour parvenir à quelque chose de différent et d'intime. Par exemple, c'est la première année que je remarque autant de films qui se passent de maquillage à l'écran, qui osent la lumière naturelle sans renforts d'éclairage. Bien sûr, cela reflète beaucoup les genres de films que je consomme personnellement ; peut-être que mon regard n'est pas le bon.

Pourtant, dans le spectacle vivant, je constate la même chose. Étant lyonnais, la culture des toutes petites salles, des spectacles simples à monter et faisant appel à beaucoup d'imaginaire sont monnaie courante. Associez cela aux quelques grands théâtres qui se trouvent dans la ville, et l'image des deux vitesses se retrouve ici aussi. Elle a toujours été présente, mais je pense que l'écart se creuse, s'accélère. Après tout, on parle souvent de tendances et d'histoires cycliques...

 

J'ai également pu ressentir cette polarisation dans mon travail au quotidien. Souvent, j'alterne entre des projets très ambitieux sur lesquels j'ai des petits rôles et des projets plus à ma portée où je suis plus investi. Il se trouve que l'écart ressenti entre les deux types de projets est réellement gigantesque, et je ne pense pas que ce soit uniquement une question de moyens.

Je pense qu'effectivement, sur l'année 2016, la tendance de la culture a été de se tourner vers les extrêmes de ce que ces deux mondes représentent. D'un côté, des moyens conséquents qui permettent une ambition réelle, un rêve qui devient réalité pour emmener le spectateur dans un imaginaire ; de l'autre, une approche intime de la relation avec ce même spectateur, qu'on ne viendrait pas ébahir mais qui voudrait lui-même explorer aux côtés des personnages qu'il a en face de lui.

Et puis...peut-être...peut-être que tout ça n'est que le reflet de ma propre année 2016, des projets auxquels j'ai participé, et donc de mon propre bilan culturel à deux vitesses ? Sans doute. Voyons ce que la prochaine nous réserve.

Retour d’expérience : Le Dieu de la Mer

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Interprétation du rôle de Poséidon

A l’occasion du Festival Yggdrasil, organisé par Montchat en Fête

Les 1 et 2 Octobre 2016, au Parc Chambovet (Lyon)

 

L’été est passé, les projets ont repris ! Et j’ai eu l’occasion de participer à quelque chose de plutôt atypique : interpréter un rôle, pendant deux jours de suite, lors d’un festival des Imaginaires. Il réunissait des univers médiévaux, fantastiques, et même l’Atlantide. Pour l’occasion, j’interprétais Poséidon, dieu de la Mer et donc des Atlantes ! Maquillage, costume et temple qui m’est dédié étaient de mise…

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J’ai ressenti l’envie d’en parler ici pour l’expérience particulière de jeu que cela m’a procuré ; comme pour le précédent retour sur le théâtre de verdure. Ici, il s’agissait tout de même de tenir son rôle pendant seize heures, parfois sur un trône, parfois en promenade royale avec ceux qui interprétaient le peuple Atlante. De plus, je disposais de quelques traits de dialogues obligatoires, à mentionner aux spectateurs. Au-delà de ça, improvisation totale, dialogue libre avec ceux qui veulent me rencontrer ou obtenir le « sceau » royal que je possède…

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C’était, après réflexion, plutôt enrichissant. Déjà, il est appréciable et un peu déroutant de se retrouver en roue libre totale, seul dans son univers du matin au soir. Au fur et à mesure de la journée et des rencontres, mes lignes de texte se modifient, certaines idées me plaisent et je les ajoute à mon discours. A d’autres moments, je m’en veux d’avoir un peu « loupé » certains groupes, de ne pas pouvoir tenir les huit heures quotidiennes comme une machine exacte, qui débite les mêmes humeurs.

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Et je me demande si ce n’est pas cela que j’ai le plus apprécié. Les moments friables, les moments incertains, les moments de défis où plus rien n’était prévu. Je me sentais vraiment en train d’interpréter quelque chose ; et de le faire de cette manière si particulière, « non-stop ». Comme une session de travail sur un personnage, que je n’aurais pas cessé d’incarner. Quelque chose que je peux vraiment qualifier de « spectacle vivant ».

Retour d’expérience : Un Théâtre de Verdure

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Représentation de Roméo & Juliet, Twisted Lovers

Avec la compagnie du Théâtre Ishtar

Le 11 juin 2016 à 21h30, à Laveyron (26)

 

Alors voilà ; cette fois-ci, pour ne pas instaurer de monotonie ou simplement parce que j’en avais envie…j’ai décidé de partager ce que j’ai pu vivre dans le mois qui vient de se terminer. C’était assez particulier de jouer le soir et de terminer en pleine nuit, dans un cadre naturel, au bord du Rhône, entouré par des gens qui écoutent, mêlés au silence. Pour moi, c’était la première fois.

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En tant que comédien, ce fut indéniablement quelque chose de très enrichissant ; souvent, dans les salles où j’ai joué, on pouvait distinguer le public, se réfugier dans des loges…somme toute, des dispositions assez classiques. Cette fois, rien d’autre qu’un immense cercle naturel, dont la moitié serait remplie de spectateurs. Pour ne pas les gêner, on décide de commencer au coucher du soleil pour qu’ils ne l’aient pas dans les yeux, et de manière à ce que la pièce se finisse dans la fraîcheur de la nuit et du silence.

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D’abord, techniquement. Pour la première fois, j’ai dû me frotter au micro-casque lors d’une représentation théâtrale. Même si, au final, cela ne semblait pas être une si bonne idée au vu de l’impression générale, l’exercice est intéressant et donne une autre dimension à la projection, à la voix, à l’espace…

C’est bien d’espace qu’il s’agit. Comment capter, dans le noir complet, éclairé par quelques projecteurs, la présence discrète des personnes enfouies derrière ? Bien sûr, on le ressent, comme toujours. Mais par rapport à ce que je peux faire d’habitude, j’ai eu l’impression qu’il fallait d’autant plus jongler avec le vide, avec les dimensions. Pas de pièce fermée, mais une infinité d’endroits où perdre son regard. De nouvelles possibilités, dont celle de créer ses propres espaces, superposés.

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De plus, j’étais également batteur sur la pièce (qui comprenait donc une partie musicale importante). Là encore, dans mon interprétation, jauger les distances entre la musique et le son, l’interprétation rigoureuse et la prise de liberté qu’offre un espace aussi atypique. C’est cela qui, au fond, m’a le plus marqué : en supprimant des limites que l’on a habituellement, et en soulevant de nouvelles problématiques, le jeu en extérieur ne peut qu’améliorer la pièce et l’équipe, à travers une création sans cesse renouvelée. Bien sûr, cela ne peut convenir pour tous les spectacles, mais nous pouvions nous en accommoder ; et je crois que la représentation a eu une saveur plutôt unique.

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Pour moi, c’est une expérience très particulière. J’en ressors avec, je pense, du savoir ou des suppositions supplémentaires sur mon métier…tant mieux.

Anecdotes – Ravi

Ecrit, mis en scène et interprété par Davy Mourier

Vu le 9 avril 2016, lors de la deuxième représentation exclusive du spectacle

 

Voilà un spectacle dont j’ai mis du temps à parler ! Le mois dernier, je me sentais plus inspiré par le cinéma, mais ce one man show trottait dans un coin de ma tête…Davy est quelqu’un de particulier, qui fait partie de ces clowns à la vie triste, toujours très borderline entre l’humour et la dépression absurde. Alors forcément, un spectacle qui met en scène ses propres anecdotes sous la forme d’un échange interactif, cela semble intéressant.

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En effet, le spectacle repose sur l’interactivité : au moyen d’une tablette et d’un projecteur, le public se fait passer les thèmes et choisit aléatoirement des anecdotes de sa vie que Davy doit ensuite raconter. Cela peut paraître très arrogant, mais il n’est pas de ce genre-là ; la plupart des histoires qu’il propose le mettent dans des situations compliquées, dont on ne voudrait d’habitude pas qu’elles s’ébruitent trop… Ainsi, après une période difficile où il s’est lancé à fond dans la BD, Davy renoue avec son univers fétiche. Et ça marche ! Comme je le disais au début, il se repose beaucoup sur son personnage issu de sa propre vie, qui a connu la dépression et qui reste très désabusé. L’humour vient de la déchéance, de la honte, et de la légèreté qu’il sait donner à ce registre.

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Ce qui est remarquable, c’est la démarche pure de se livrer. Souvent, les one man show sont devenus des spectacles où l’intimité a laissé place à la grandiloquence et au style, non sans raison. Il faut se protéger personnellement, pour faire face aux spectateurs et faire preuve d’un rythme, d’un aplomb et d’un sens de l’improvisation bien aiguisés. Bien sûr, le spectacle de Davy en nécessite tout autant, mais il renoue avec une forme de seul en scène qui s’éloigne du stand-up, tout en l’assimilant complètement. Ici, il se fait complice au point de lui aussi être spectateur, lié au fait que ce soit le logiciel qui décide de l’ordre du spectacle. Il assure lui-même avoir créé ceci pour ne pas jouer le même spectacle chaque soir, le nombre d’anecdotes étant bien supérieur à la durée prévue. Néanmoins, ce n’était que la deuxième représentation ; le spectacle est encore en phase de « rodage », comme on peut l’appeler. De plus, il a précisé dernièrement vouloir changer la forme du spectacle et l’articuler autour d’un réel jeu de rôle avec les spectateurs, où leurs choix feraient progresser un personnage le long d’une vie. En partant du principe de se « mettre en jeu », Davy dérive donc vers l’idée de voyage, de formation d’un personnage à travers ses expériences.

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En bref, le spectacle est quelque chose qu’on a peu l’habitude de voir, avec un comédien empreint de peu de pudeur mais de beaucoup de respect pour ce qui forge une vie. C’est intéressant à voir, empreint de fraîcheur. Pour moi, une petite leçon à ne pas oublier, pour montrer qu’une infinité de voies existent.

Étude comparative : paresses et prises de risque dans le cinéma français

 

Les Visiteurs : La Révolution / Le Fantôme de Canterville

Réalisé par Jean-Marie Poiré / Réalisé par Yann Samuell

Sortis en France le 6 avril 2016

Visionnés en 2D, version originale (française)

 

Ce mois-ci, c’est autour de deux films français sortis récemment que je compte disserter. En effet, la comparaison entre les deux me semble très intéressante, notamment en ce qui concerne les enjeux de production du cinéma français actuel.

 

Commençons par une brève critique de chacun ; j’ai trouvé ce nouvel opus des Visiteurs très poussif. Certes, le succès du premier film était une surprise, et la saga a toujours reposé sur le même genre de blagues, mais cette fois, après tout ce temps, je trouve le film réellement inutile. Il n’apporte pas grand-chose, gesticule souvent bien plus qu’il ne fait rire…seuls certains points d’écriture relatifs à la Terreur sont un rafraîchissement, offrent un point de vue original. De l’autre côté, nous avons une petite production UGC qui sort la même semaine, avec un casting honorable, et qui surtout tente quelque chose de très peu vu dans le paysage cinématographique français : réaliser un véritable film fantastique, avec des effets spéciaux dignes de ce nom, une histoire reposant là-dessus sans forcément tout tourner en dérision…et tout de même en faire un film français, familial, pas trop risqué. Il s’en tire plutôt bien pour moi, malgré le manque évident de temps de tournage et de direction, notamment pour les enfants, qui jouent parfois à côté.

 

Je pense que vous commencez à voir où je veux en venir. Les Visiteurs : La Révolution a bénéficié d’un budget de près de 25 millions d’euros. Au-delà du scandale du tournage, qui a préféré s’exporter en République Tchèque pour trouver un décor digne de l’époque (les décors XVIIIème étant trop peu répandus en France, bien sûr ; rien à voir avec nos intermittents qu’il aurait fallu payer raisonnablement plutôt que de surpayer les acteurs bankable du film), c’est surtout la paresse ultime de l’histoire, pour son prix, qui me fait sortir de mes gonds. Aucune prise de risque, des gags hérités des anciens films, des effets spéciaux inexistants quand ils pourraient apporter un peu d’esthétique…

 

Là où Le Fantôme de Canterville fait ressentir cruellement son manque de budget. Clairement, le film tient debout : les effets visuels sont bien travaillés, le film s’autorise de beaux moments « de cinéma Â» avec des chorégraphies, des références originales dans son humour (Jurassic Park, Astérix Mission Cléopâtre…). Malheureusement, certains moments sont une souffrance. On sent les prises gardées à contrecÅ“ur, par manque de temps. Comme je le disais, les enfants manquent de direction, là où le quatuor des adultes principaux tient parfaitement le cap. Et surtout, le film ose. Il ose, en français, parler d’histoires fantastiques, mentionner des choses graves sans les tourner en dérision, parler de la « légende d’un fantôme Â» comme un enjeu scénaristique réel. Et ça fait du bien, surtout quand on voit les Visiteurs ne pas assumer son côté historico-fantastique de voyage dans le temps.

A propos de film historique, voilà pour moi la vraie seule qualité des Visiteurs : placer le film sous l’angle des royalistes, et ne pas considérer tous les révolutionnaires comme des héros. Robespierre est dépeint comme le tyran qu’il était réellement, et la scène où il apparaît est plutôt réussie, dans toute l’élégance de la tension.

 

Ainsi, quel dommage ! Quel dommage de voir un des plus gros budgets français de l’année se complaire dans la facilité et l’entre-deux, tandis qu’un film plus osé souffre de son manque d’argent et se repose sur une stratégie de « film familial Â» pour sa promotion ! Mention spéciale d’ailleurs à ce « film pour enfants Â», qui, s’il met en scène des enfants, voit le personnage principal se suicider toutes les nuits pour poursuivre sa malédiction, et étrangler son descendant jusqu’à la mort dans la première demi-heure…

ASSEMBLAGE #02

 

Ce mois-ci, un nouveau patchwork, principalement cinématographique, car j’ai eu la chance de pouvoir sortir beaucoup ; et j’avais envie de parler de tout !

 

The Revenant – Indécis

Réalisé par Alejandro Gonzàlez Iñarritu

Sorti en France le 24 Février 2016

Visionné en 2D, version originale et sous-titres français

 

Un film très attendu, tellement attendu qu’il a déçu beaucoup de monde. Pour ma part, je le considère comme une expérience réussie, qui ne peut se vivre qu’au cinéma : nous suivons un homme ravagé, nous nous attachons à lui par la souffrance. Les seuls moments de joie sont bien piètres, et même ceux-ci, nous ne voudrions pas les vivre. De très beaux tableaux, une expérience enrichissante et haletante ; mais que d’effets de style, comme si Iñarritu voulait montrer à quel point il méritait son oscar de l’an dernier, se faisant bon élève pour le suivant…et cela amène de la lourdeur.

 

Moonwalkers – Ravi

Réalisé par Antoine Bardou-Jacquet

Sorti  en France le 2  Mars 2016

Visionné en 2D, version originale et sous-titres français

 

Une très bonne surprise ! Le film a bénéficié de sortir en France dans une semaine plutôt « creuse Â» des grosses sorties, et il porte bien son statut qu’on pourrait qualifier d’« indie Â». On replonge dans l’époque qui a vu naître ces films, et on s’autorise des filtres, des saturations, des dissonances bizarres. De plus, l’histoire est plutôt drôle et bien menée, à la manière d’un Kingsman ne s’embarrassant pas du standing.

 

Le Magasin des Suicides – Satisfait

Adapté et mis en scène par Franck Regnier

Vu le 10 Mars 2016 au Jack-Jack

 

Il me semble que c’est la première fois que l’on assiste à une représentation théâtrale de cette Å“uvre, les droits venant d’être délivrés. Une vraie réussite en ce qui concerne les situations et le jeu des acteurs ; cependant, j’ai eu l’impression de perdre mes repères dans la succession des tableaux : au fur et à mesure, j’accrochais moins. Une très bonne adaptation, cela dit. Drôle, grinçant et dérangeant comme le veut l’esprit de l’œuvre.

 

Saint-Amour – Ravi

Réalisé par Gustave Kervern et Benoît Delépine

Sorti en France le 2 Mars 2016

Visionné en 2D, version originale (française)

 

Surprenant, comme toujours, venant de ce duo de réalisateurs. Ils mettent en scène des gens décalés, amoraux, et le spectateur se retrouve très vite dans une dimension étrange, décorée de personnages biscornus et de situations dérangeantes ! Cependant, au fil du film, subsiste le rapprochement entre les personnages et un attachement, une émotion grandissante pour eux. Sans être bouleversant, le film propose des moments de poésie et de comédie, qui s’assemblent bien dans cette fresque bizarre.

 

Le Cœur Régulier – Déçu

Réalisé par Vanja d'Alcantara

Sorti en France le 30 Mars 2016

Visionné en 2D, version originale (française)

 

Immense déception, surtout en ayant vu le film en présence d’Isabelle Carré et de la réalisatrice…si le jeu, la technique n’ont rien à se reprocher, le propos est tristement banal, et peu habilement mis en scène. L’héroïne s’ennuie dans sa vie morose, aux répliques ternes et aux lumières blafardes…et le spectateur en fait de même. La dernière partie du film, proposant des tableaux plus élaborés, vient donner une bouffée d’air frais au tout ; cependant, cela reste peu digeste.

 

Room – Extatique

Réalisé par Lenny Abrahamson

Sortie en France le 9 Mars 2016

Visionné en 2D, version originale et sous-titres français

 

Voilà un film qui m’a complètement retourné. Brie Larson mérite amplement son oscar ; l’enfant est très habilement dirigé lui aussi. L’intrigue de base est intéressante et servie par une mise en scène subtile, des moments choisis. L’idée de prendre le film du point de vue de l’enfant est très bonne : on assiste à son éclosion, sans être frappés par l’horreur. Juste saisis d’effroi, puis d’un tourbillon d’émotions en découvrant la vie qui s’ouvre. Le film est entier, délivre tout son propos. Chaque chose est à sa place.

 

Midnight Special – Passionné

Réalisé par Jeff Nichols

Sortie en France le 2 Mars 2016

Visionné en 2D, version originale et sous-titres français

 

Un très agréable film de science-fiction, au sens où l’on n’en fait plus beaucoup aujourd’hui. De la science-fiction au premier degré, avec des enjeux d’abord fantastiques, puis qui nous dépassent à mesure qu’on les raisonne. Mention spéciale à l’ensemble du casting, fantastique. Une très bonne mise en scène leur rend service, assez sobre, mais impressionnante. Pas de grande révélation finale, d’ailleurs ; tout se distille à mesure que le temps passe, comme les enjeux s’accentuent. Un coup de cÅ“ur, pour moi.

Comme si c’était moi – Passionné

Ecrit par Philippe Torreton

Paru en France en février 2004

 

Un livre qui commence comme un récit simple de la part de l’acteur, sur ce qu’il a pu vivre du moment où il a touché au théâtre jusqu’à sa sortie de la Comédie Française ; et qui se transforme presque en un essai sur le jeu d’acteur, au fur et à mesure, mais sans perdre son point de vue de départ, à savoir uniquement raconter par ses yeux.

 

A ce titre, j’ai eu un peu de mal à commencer ma lecture. L’auteur le dit lui-même, il a voulu publier, intacts, les carnets, notes et journaux qu’il pouvait tenir en ce temps-là, de manière à être une sorte d’écho pour jeunes acteurs. C’est ainsi que la première partie du livre se fait assez critique, vis-à-vis de sa ville normande, de certaines approches et de certaines personnes. Et puis, l’éveil, l’éclosion…le récit part dans tous les sens, les rôles et les années s’entrecroisent.

C’est à ce moment que tout a pris sens pour moi, et que j’ai fini ma lecture d’une traite. Souvent l’auteur reste assez unilatéral, dans son écrit comme dans ses commentaires a posteriori sur l’époque. C’est son style, son point de vue ; il se raconte d’abord lui-même avec caractère. A travers Capitaine Conan, Henri V, Scapin, Tartuffe, on suit son parcours et son point de vue, la manière dont il s’affirme et se professionnalise.

 

C’est cela qui m’a vraiment plu, en tant que comédien. Il s’agit ici, plus que d’un témoignage, une réelle expérience qui se poursuit sur plusieurs années, dont les échos peuvent être retrouvés dans les Å“uvres dont il parle. Ainsi, ce n’est pas à proprement parler un « traité Â» sur le jeu, mais un « point de vue Â», sans cesse évolutif. De plus, quoi de mieux pour s’identifier qu’un homme en école de théâtre, qui traverse les mêmes épreuves que celles qui peuvent être les miennes (le rapport à la famille et à la province, par exemple) ?

 

Enfin, au-delà de ce dans quoi je me retrouve, il est assez rare de lire des lignes aussi franches à propos de ce milieu fermé, notamment en ce qui concerne la Comédie-Française. Ici, Torreton raconte, ressent, et nous avec, cette ambiance de cour royale revisitée où chacun peut maquiller ses intentions, sur scène comme dans la vie. On assiste à des lectures qui durent dix jours, des situations et des rencontres incongrues…

 

En bref, je trouve que ce livre atteint son but, à savoir être une lecture très sincère et utile au jeune comédien. Sans m’avoir totalement bouleversé, il me pousse à rester encore un peu plus ouvert, réfléchi, ambitieux. Ce n’est que le début.

CREED - Extatique

Réalisé par  Ryan Coogler

Sorti en France  le 13 janvier 2016

Visionné en 2D, version originale et sous-titres français

 

Même si la comparaison est facile, voilà un film qui est la suite d’une saga, et qui reste au top contrairement à Star Wars VII. La différence ? Ce n’est pas Rocky VII, c’est CREED et le film le clame haut et fort ; sans vraiment jouer sur la vague de nostalgie qui hante nos salles de cinéma.

CREED est l’héritier d’une saga qui, globalement, n’a fait que peu d’erreurs et que j’estime comme six très bons films. L’enjeu était donc de taille, surtout que Stallone passe la main cette fois, en ce qui concerne la réalisation et le scénario. Et tout comme la scène où le héros, Adonis, projette un match de son père sur grand écran pour s’entraîner à ses côtés, le réalisateur se fait créateur passionné par la saga Rocky, et sa production rayonne de cette aura sans être une simple suite.

 

Le film est une grande réussite à tous les niveaux. Tout d’abord, il reste en accord avec son temps et nous propose une vision très modernisée du monde de la boxe. La technique insiste par exemple sur de longs plans-séquences (notamment un qui démarre dans les vestiaires pour se terminer à la fin d’un combat) dans lesquels sont insérés des cartons « numériques Â», chose à laquelle les nouvelles technologies nous ont habitués. Le film met d’ailleurs en lumière l’écart générationnel entre Rocky et Adonis, s’écartant ainsi du chemin d’une suite nostalgique où Rocky serait toujours le héros.

 

C’est ainsi que l’on arrive, pour moi, au réel point fort du film. Rocky est un personnage secondaire rempli de clins d’œil à la saga ; cependant, cela reste très discret. On peut tout à fait suivre l’histoire de CREED sans avoir regardé un Rocky auparavant, même si les décharges émotionnelles seront un peu moins puissantes. On assiste, au fur et à mesure du film, à un double combat. Celui d’Adonis sur le ring, et celui de Rocky contre le cancer. Ce dernier reste toujours en arrière-plan, à la manière d’un Mickey dans la saga précédente. Adonis est au centre des préoccupations, on suit sa vie amoureuse, la relation compliquée qu’il entretient avec son propre nom, hérité d’une légende paternelle qu’il n’a jamais connu.

L’enjeu du film est totalement inédit, aux antipodes de celui de Rocky au début. Adonis a déjà un nom, mais doit-il le défendre, s’en montrer digne ? La réponse finale proposée lors du dernier combat est totalement adaptée, et permet au jeune homme de suivre son propre chemin. Il est ainsi tout naturel qu’un CREED II soit en projet…

 

Pour finir, il me semble très important de parler de ce qui m’a vraiment plu en tant que spectateur, et qu’on retrouve de moins en moins avec le retour des blockbusters, omniprésents sur les années à venir. J’ai réellement ressenti des choses. Pendant tout le film, j’ai tremblé, ri, pleuré au-delà du plaisir intellectuel de me rendre compte que c’était un bon film. J’ai réellement vibré pour ce personnage, à la manière unique dont le genre du « film de boxe Â» peut le faire. En totale adéquation avec la saga dont il est issu, le film nous propose des enjeux humains, réels, des combats contre la vie. Et ça marche toujours aussi bien ; parce que ce sera toujours aussi vrai.

ASSEMBLAGE #01

 

Ces derniers mois, je n’ai pas été très assidu dans la rédaction de chroniques…notamment grâce à une expérience formidable au Théâtre de la Croix-Rousse, qui m’a pris pas mal de temps. Alors, j’en profite pour essayer quelque chose, un Assemblage. Une sorte de revue plus rapide des diverses choses que j’ai pu voir, peut-être juste pour cette fois, ou à reprendre plus tard. Allons-y.

 

 

Lumière, le film ! – Extatique

 

114 films des Frères Lumière restaurés en 4K, commentés par Thierry Frémaux et accompagnés au piano par Romain Camiolo

Visionné le mardi 29 septembre 2015, lors de la soirée événement à l’Auditorium de Lyon

 

Un vrai morceau de bonheur que cette soirée, cette projection des films commentée en direct par le directeur de l’Institut Lumière. Au début, je m’attendais à une courte revue et à simplement découvrir certains de ces films que je ne connaissais pas. Cependant, aussi bien le piano que les commentaires, en ont fait un moment de cinéma et de spectacle vivant mélangé, assez unique à notre époque. Les commentaires sont précis, renseignés, utiles. Grâce à cela, le spectateur va plus loin, cherche dans le plan ; l’émotion nous gagne quand nous prenons conscience que ce sont les racines de l’art cinématographique que nous contemplons. Pour finir, le film ainsi que son ensemble commentaires-piano est sorti en DVD récemment. Un document indispensable tellement il raconte bien le cinéma.

 

 

Certaines n’avaient jamais vu la mer – Passionné

Ecrit par Julie Otsuka

Paru en France en août 2012

Lu en version française, traduction de Carine Chichereau

 

L’histoire passionnante, poignante et réelle de femmes japonaises qui embarquent pour l’Amérique dans la première moitié du XXème siècle, afin d’y retrouver des maris auxquels elles sont promises. L’histoire de cet espoir et de leurs déceptions, de leurs réussites parfois aussi. La particularité de ce roman est d’être écrit intégralement à la première personne du pluriel ; toutes ces femmes vivent toutes ces vies ensemble. Des anaphores parsèment le texte jusqu’au bout, c’est un délicat voyage dans des passés de toutes sortes. Le roman s’achève sur l’internement de certaines familles japonaises lors de l’entrée en guerre contre le Japon. Otsuka nous livre ainsi un texte charnel, empreint de délicatesse dans le ton mais qui raconte ce qui s’est passé. Le destin de ces femmes. Une puissante chronique.

 

 

Comment C’est Loin – Ravi

Réalisé par Orelsan et Christophe Offenstein

Sorti en France le 9 décembre 2015

Visionné en 2D, version originale (française)

 

Je ne m’attendais à rien. Si Orelsan, dans son ton discutable, a montré qu’il sait écrire des chansons, un film est un tout autre objet. Je suis ressorti de la séance avec l’immense satisfaction d’avoir vu de la fraîcheur dans le cinéma français. Le film est atypique, par cela qu’il est plutôt proche d’une production qui pourrait avoir lieu sur le web : peu de comédiens, l’intégralité des décors se trouvent à Caen, ville d’origine d’Orelsan et Gringe… pourtant, même s’il souffre de quelques bévues techniques, on y trouve des personnages crédibles, des chansons qui portent l’enjeu et font avancer l’intrigue, du naturel et des émotions puissantes. De plus, la mise en scène des personnages du groupe des Casseurs Flowters s’intègre parfaitement avec la « mythologie Â» que les deux rappeurs créent autour de leur musique. Un petit morceau de bravoure.

 

 

Star Wars Episode VII : The Force Awakens – Indécis

Réalisé par J. J. Abrams

Sorti en France le 16 décembre 2015

Visionné en 3D, version originale sous-titrée français

 

En tant que fan, je suis satisfait. Vis-à-vis de l’énorme attente auquel le film devait faire face, il a su combler la plupart des publics, et donner aux gens ce qu’ils attendaient. Cependant…est-ce bien là l’esprit de la saga Star Wars ? J’ai le souvenir de films qui, à leur époque, voulaient toujours faire avancer les choses. Filmer la galaxie, créer des personnages en images de synthèse. J’ai l’impression que ce film se repose sur les acquis de la saga, et ne fait pas un bon Star Wars. Mais un film honnête, tout de même. Mention spéciale à l’originalité principale du film pour moi, le jeune Sith interprété par Adam Driver. Il donne un réel écho à l’époque dans lequel ce film s’inscrit. Ce n’est cependant pas suffisant, par rapport au reste et au sentiment de « déjà-vu Â».

 

 

Le Tour du Monde en 80 Jours – Satisfait

 

Mis en scène par Sébastien Azzopardi et Yohan Genin

Vu le 2 janvier 2016, au théâtre de la Comédie Odéon

 

Cette pièce est un bon moment. Elle se revendique comme tel, et c’est tout ce qu’elle donne à voir, entendre et voyager au spectateur. Et cela suffit ! Certes, le texte nous fait voyager sur les traces de Phileas Fogg et reprend bien l’histoire ; mais c’est avant tout une avalanche de personnages et de références, soutenues par un rythme effréné, qui nous font rire mais surtout voir du pays. J’ai aimé être transporté dans ce dédale, quoiqu’un peu trop moderne à mon goût en ce qui concerne les références. La surcharge de clins d’œil est le défaut principal, pour moi ; c’est pourquoi je ressors satisfait mais pas enchanté.

 

 

The Hateful Eight (Les Huit Salopards) – Passionné

Réalisé par Quentin Tarantino

Sorti en France le 6 janvier 2016

Visionné en 2D numérique, version originale sous-titrée français

 

Pour moi, un des meilleurs crus que nous ait jamais livré le grand réalisateur. Je ne suis pas particulièrement fan du style de Tarantino, en tout cas pas de ce qu’il donnait à voir dans ses derniers films. Bien que Pulp Fiction et le deuxième volet de Kill Bill restent indétrônables pour moi, il renoue ici avec son savoir-faire du dialogue, des personnages osés et de l’audace, tout simplement. Pendant près de trois heures, huit personnages se font face dans une seule pièce. Le rythme est parfait, tout s’enchaîne, s’imbrique ; chaque personnage a droit à son développement et on se surprend à changer de camp plusieurs fois tant les personnages sont attachants…mais également tous des salopards. A voir impérativement dans les salles obscures, tellement la tension se fait sentir comme nulle part ailleurs !

 

 

Le Garçon et la Bête – Satisfait

Réalisé par Mamoru Hosoda

Sorti en France le 13 janvier 2016

Visionné en 2D numérique, version originale sous-titrée français

 

Tout d’abord, beaucoup de déception au niveau de la projection ; l’équipement de la salle en ce qui concerne le son aurait bien besoin d’être changé…c’est bien dommage de souffrir encore du manque de distribution d’un film d’animation japonais, surtout lorsque c’est Gaumont qui s’en charge. Cela dit, le film reste très appréciable : des personnages puissants, une intrigue en demi-teinte qui révèle toute sa substance dans le dernier acte sans nous laisser sur notre faim. On assiste au tissage des liens entre les personnages dans le non-dit, on sent que le réalisateur avait une envie particulière dans la relation père-fils à raconter. Une très belle image, des chorégraphies très vivantes (il s’agit de combats au sabre) ; on regretterait juste que le film ne dure pas plus longtemps et se prive presque de scènes qui auraient mérité un plus large développement, leur thématique étant juste « abordée Â». Cependant, c’est le genre de film dont j’aimerais beaucoup constater la démocratisation dans notre pays, deuxième consommateur mondial de mangas.

Le Voyage d'Anna Blume - Extatique

Ecrit par Paul Auster

Paru en France en septembre 1989

Lu en version française, traduction de Patrick Ferragut

 

Ce livre m’a été offert il y a assez longtemps - je ne sais plus si c’est à Noël dernier ou au précédent – par un ancien camarade de classe. Il a traîné pas mal de temps sur une étagère, accompagné d’un post-it « A lire Â», et c’est finalement au cours de l’été que j’ai pu accomplir ma lecture. Il m’a ensuite fallu du temps pour digérer. Considérer. Et je pense qu’aujourd’hui, ma réflexion est assez mûre pour en faire une chronique qui vaut le coup.

 

Avec ce livre, Auster frappe un grand coup et signe un chef-d’œuvre. Le roman suit l’histoire d’Anna Blume à travers une longue lettre qu’elle adresse à un ami resté dans notre monde sur le déclin. En effet, celle-ci s’est rendue dans ce qui s’appelle « Le Pays des Choses Dernières Â» pour y retrouver son frère, parti auparavant tenter sa chance là-bas. Le postulat est simple : notre époque est très mal en point, et la jeunesse voit en ce pays, dont on ne connaîtra que la cité où arrive Anna tellement elle est gigantesque et draine la vie des gens qui y passe, une possible échappatoire, le début d’une nouvelle vie.

 

Ainsi, nous suivons le récit d’Anna de sa propre vie entre ces rues, ces gens qu’elle croise. Tout d’abord, le premier constat frappant pour moi est celui du réalisme. Là où la plupart des Å“uvres qui s’engagent sur une voie apocalyptique imaginent des raisons folles au déclin soudain de l’humanité, ou un propos ultra-dramatique suite à cet anéantissement, Auster nous propose une vision tout à fait réalisable de l’avenir pessimiste. La dynamique de la pauvreté a pris le dessus et chacun dans cette cité est amoindri, errant, presque dépourvu d’étincelle de vie. Les personnages témoignent d’une grande faiblesse, d’une fatigue infinie. L’Etat a abandonné l’idée de protéger la population et de veiller à son bien-être ; les seuls moyens de gagner de l’argent sont de ramasser des objets de valeur, de dépouiller des morts de fatigue en pleine rue et de troquer tout cela contre un peu de nourriture ; même les religions ont évolué pour apporter une réponse à ce climat de fin du monde. Plutôt qu’un constat de l’ordre naturel, l’auteur décrit un déclin économique et social : ce qui se passe sous nos yeux est purement et simplement l’évolution que pourrait prendre notre monde, jusqu’à son épuisement.

C’est dans tout ce climat qu’évolue en demi-teinte notre héroïne, Anna. Le décalage vient du fait que ce roman soit entièrement épistolaire, et que tout ce qu’elle raconte peut avoir été vécu il y a des mois. Ainsi, le lecteur navigue sans cesse entre des moments où Anna raconte et revit certains moments et d’autres où elle est totalement détachée, expliquant que c’est comme cela que ça fonctionne dans ce nouveau pays. Le lecteur oscille donc entre deux états : ces moments de compassion pure, où les larmes coulent, sur ce qu’a pu vivre Anna, ainsi que des moments de stupeur froide où l’on se rend compte d’à quel point celle qui nous écrit est déjà éloignée de tous ces moments et dont la flamme de vie s’éteint peu à peu, dans cette cité.

 

A ce propos, je ne pense pas qu’il soit utile de dévoiler la fin du roman ici. Cependant, sans pour autant panser les blessures ouvertes par l’histoire, qui mettront du temps à cicatriser, cette conclusion apporte un peu de douceur et permet de digérer un peu plus le constat terrifiant qui se dégage de ce roman. Si tout est perdu, que ce soit dans l’ancien monde au début du roman ou dans le nouveau à la fin, il peut toujours être possible d’envisager un nouveau départ…

 

En bref, un roman qui m’a marqué et me marquera à vie, tant son accablant constat résonne dans notre réalité à travers ses attachants personnages et son premier degré.

Pawn Sacrifice (Le Prodige) - Indécis

Réalisé par Edward Zick

Sorti en France le 16 septembre 2015

Visionné en 2D, version originale et sous-titres français

 

Encore un film que je suis allé voir sans vraiment m’y attendre. Ainsi, mis à part quelques affiches ça et là, je n’avais aucune information sur le film qui, sans être une mauvaise surprise, souffre pour moi de défauts qui lui pèsent.

 

Tout d’abord, le seul a priori que j’avais sur le film s’est révélé juste : la promesse d’un grand événement qui a marqué la vie de notre héros, génie des échecs qui compte s’impliquer à sa manière dans la guerre froide, implique forcément une partie flash-back. Sans être contre ce procédé, je trouve cela dommage de commencer le film avec un élément de narration propre au troisième, voire quatrième acte, sans que cela soit justifié. Si ce n’est mimer une figure de style maintenant trop utilisée dans n’importe quel film dont l’histoire suite à peu près cette trame. A propos de ces flashes-back, la direction d’acteur laisse à désirer sur les enfants qui ont été choisis pour incarner notre héros, Fischer, aux premières époques de sa vie. Ainsi, le film commence sur sa partie la plus faible, à travers un procédé vu et revu : de quoi craindre pour la suite…

 

Cependant, le film révèle toutes ses qualités dès l’apparition de Tobey McGuire et des personnages qui l’accompagnent. Tout d’abord, il joue lui-même très bien en se mettant en scène à travers une palette très enfantine. Petit à petit, son esprit dérangé apparaît à l’écran, des troubles qui remontent à plus loin dans le temps et qui donnent une raison à la première partie d’exister, sans pour autant en relever le niveau. Notons d’ailleurs qu’au cours de sa quête pour la victoire, le personnage du prêtre interprété par Peter Sarsgaard se joint à son équipe et est sans conteste le meilleur acteur du film. Tout en subtilité et en naturel, il ajoute un vrai poids à l’ambiance en étant responsable de la santé mentale de Fischer durant ses parties d’échecs. Il prend le rôle du coach, et l’on peut féliciter tout ce qui est relatif à ce personnage, que ce soit dans l’écriture, la mise en scène ou l’interprétation. Un autre personnage remarquable est Spassky, le rival russe de Fischer, interprété par Liev Schreiber, lui aussi en grande forme. Cependant, la grandeur de son personnage doit plus à la mise en scène et au montage, excellents sur les parties où il apparaît d’abord sans parler comme le rival intouchable qui possède une qualité supérieure à tout ce que peut tenter Fischer : la santé mentale.

Ce trio réussit donc à mettre en place, pendant une bonne partie du film, une tension essentielle entre un homme qui combat la folie pour lui-même, et ceux qui à ses côtés défendent leur pays au sein de la guerre froide. L’histoire s’articule réellement comme un « combat d’échecs Â» ; toutefois cette tension est pour moi amenuisée par quelques éléments qui font défaut au film.

 

En effet, tout en étant assidu vis-à-vis de l’histoire du film, et comprenant les enjeux qui motivaient notre héros, je n’ai pas trouvé possible de m’attacher à lui. Pour moi, la faute en revient au montage du film : tout d’abord, ses moments de folie sont trop confus et épars, sans réelle construction pour parvenir non pas à une compréhension (comprendre sa folie, au contraire, nous éloignerait de lui et de ses motivations) mais à une compassion. La mise en scène insiste tellement sur le côté enfantin et troublé du héros, que le spectateur en vient presque à se distancier pour juger le personnage. De même, le film perd de sa densité dramatique par un montage mal maîtrisé, comprenant beaucoup de séquences musicales, de montages alternés relatifs à l’entraînement ou aux parties d’échecs. Souvent, soit la musique dénote dans l’ambiance à l’image, soit des erreurs techniques font perdre l’authenticité du film, comme par exemple le moment ou McGuire est incrusté dans une émission de télévision américaine célèbre des années 60. La superposition des textures nous sort tout de suite de l’histoire, et c’est bien dommage…

 

Ainsi, le film dispose de nombreuses qualités. Cependant, de mon propre ressenti, il se trouve au final autant de défauts apparents que de beaux moments bien maîtrisés.

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